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DE QUOI PARLE T-ON?

LE DOSSIER « EQUILIBRES » : L’EXPERIMENTATION ARTICLE 51 LFSS2018, FUTURISTE QUI MET LE SOIN INFIRMIER À L’HONNEUR.


Depuis le mois de Décembre 2019, ce sont 17 cabinets d’infirmiers libéraux, en Occitanie, 2 en région Parisienne, et 2 cabinets et 7 centres de soins dans les Hauts de France qui se sont lancés dans cette belle aventure dans l’unique but d’améliorer le soin infirmier de ville, en France.
Ils sont infirmiers, parfois cliniciens, IPA, spécialistes en plaie/cicatrisation, en diabète, en gérontologie, formés à l’éducation thérapeutique du patient, la consultation, l’hypnose… et ont abandonnés leurs habitudes et leurs modes de facturation pendant que les autres s’adaptaient au BSI (bilan de soins infirmiers) l’avenant 6, venant d’être signé.
Au lendemain de son premier anniversaire, revenons sur cette expérimentation avant-gardiste qui a défrayé les chroniques et déchainé les passions, notamment sur les réseaux sociaux durant l’été qui a précédé sa mise en route.

 

I /QU’EST-CE QUI A INSPIRÉ EQUILIBRES ?


La principale influence est le " Buurtzorg" hollandais. Buurtzorg en hollandais signifie « soins de proximité » ou « soins de quartier ». C’est un modèle innovant qui est apparu aux alentours de 2007, sous l’égide de Jos de BLOK, un infirmier qui a révolutionné le mode de soins en ville aux Pays-Bas.


Auparavant les demandes de soins émanant des patients étaient réceptionnées par un centre d’appel qui redirigeait la demande vers un ou une infirmière de son choix, en lui indiquant le type de soins pour lequel il ou elle se déplaçait, la durée durant laquelle ils devaient rester et surtout quand ils devaient y aller.


La conséquence était évidemment un soin morcelé, un stress pour les soignants qui devaient gérer le temps de soin et donc ne pas répondre aux autres besoins du patient, donc, un soin peu efficace qualitativement et ne laissant pas de place au suivi, à l’éducation ou au dépistage de complications et plus généralement ne satisfaisant pas le patient. 


C’est ainsi qu’au bout de 16 ans d’exercice infirmier sous se modèle Joss de BLOK dresse en 2006 un constat amer de la situation et se propose de mener dans son pays une initiative qu’il nommera Buurtzorg.


Il débute avec son équipe de quatre infirmiers, et un informaticien. Au fur et mesure se constituent plusieurs équipes, qui seront reliées entre elles par une forme de réseau social interne permettant la co-construction. En effet, celles-ci peuvent échanger de manière permanente sur leur pratique, leur ressenti, trouver des conseils, s’aider … c’est l’ébauche d’une vraie communauté.


Chacune de ces équipes est responsable d’une zone géographique bien définie et s’auto-gère financièrement, en termes de recrutement, de formation, de planning, ou de gestion des patients : il n’y a plus comme dans l’ancien modèle, de notion de management pyramidal. 


Il n’y a aucune pression extérieure, elles sont libres.


Leur mission est d’augmenter la qualité des soins par une prise en soin holistique, c’est-à-dire dans toutes les dimensions de la personne, (biologique, psychologique, sociologique, culturelle…) une meilleure relation soignant /soigné car ce sont les mêmes intervenants qui oeuvrent au domicile du patient.


Le but principal reste de rendre son autonomie au patient grâce notamment à l’éducation thérapeutique, l’information et l’éducation aux auto-soins, une évaluation et une utilisation des ressources intrinsèques, communautaires, ou familiales de la personne soignée. Tout cela nécessite du temps passé auprès du patient une réelle écoute active des besoins et des possibilités de ceelui ou celle qui est soignée. 


La philosophie est que l’infirmier doit se rendre de plus en plus invisible afin que le patient lorsqu’il en a la capacité et la volonté, retrouve, lui aussi sa liberté.


Chaque équipe et chaque membre de celle-ci conserve sa propre identité, chaque infirmier se sent responsable de sa qualité des soins et peut utiliser toute sa créativité à cette fin.
Le fait de d’augmenter les interactions au sein de l’équipe permet à la fois un auto contrôle, une auto-évaluation, et de répondre aux problématiques rencontrées.
Dès que la « demande » de soins dépasse les capacités de l’équipe, une autre entité se constitue, afin de ne pas seulement répondre à une logique de rendements quantitatifs, préjudiciables tant à la qualité des soins apportés qu’au vécu du soignant dans sa mission du soin mais à une logique qualitative du soin.

Quatre ans après les débuts des Buurtzorgs, en 2010, une étude menée localement par KPMG a montré que ce modèle a permis de diminuer de 40% les dépenses d’aide sociale et de soins auprès des personnes que ces équipes ont soignées.

 


A ce jour le Buurtzorg de Joss de Blok est devenu le plus gros employeur du secteur du soin sur l’ensemble des Pays-Bas.

 


II)  DES PAYS-BAS A LA FRANCE OU LA GÉNÈSE DE L’EXPERIMENTATION

 

C’est en 2016, après qu’il ait plusieurs fois rencontré Joss de BLOK, que Guillaume ALZAC a souhaité développer cette expérimentation sous l’égide de son ONG « soignons humain ».


Au début, les membres des premières équipes, situés dans les Hauts de France, ont choisi d’exercer en centres de soins. Par la suite, et notamment après la rencontre avec le couple, Pascal et Thi LAMBERT, l’expérience s’ouvre aux infirmiers libéraux et sur la région Parisienne, puis sous l’impulsion de Dominique Jakovenko, un infirmier libéral d’Alès, celle-ci intègre une troisième et ultime région (pour les trois ans, l’Occitanie. Finalement, c’est la région la plus représentée dans l’expérimentation.


L’été qui précède le début de l’expérimentation pour les libéraux est semé de conflits et de révoltes sur les réseaux sociaux notamment. Les participants et les organisateurs se voient malmenés, voir insultés/ le changement fait peur ! Mais surtout, la sphère syndicale, s’y oppose : pour une fois, rien n’a été négocié par eux… A l’époque, sur trois syndicats d’infirmiers libéraux, un seul approuve le projet. Pour la FNI et le SNIIL il s’agit tout bonnement d’une Hérésie, qui mettrait un terme au statut libéral de l’infirmier.
Pour « Convergence infirmière », il s’agit d‘une ouverture, voir même d’une avancée en termes d’autonomie de la profession notamment, et concernant le rôle propre infirmier…
Pour « Infin’idel », c’est expérimentation serait dangereuse car remettrait d’actualité le temps de soin et donc d’une certaine façon le possible « flicage » par les services de contrôle médical des CPAM.


Qu’importe, l’ensemble des pionniers se met en ordre de marche pour satisfaire leur seule ambition : soigner mieux, en utilisant tout ce que la convention comporte, utiliser tout son savoir pour aller vers l’essentiel : le soin, le vrai.


N’oublions pas qu’il leur a fallu tout remettre en jeu : leur tournée, leur organisation, leur équipe : car beaucoup ont décidés d’intégrer les remplaçants à l’équipe.


Pour moi, cette notion de sacrifice, de prise de risque est prépondérante pour la réussite de l’expérimentation. En effet, lorsque l’on se fixe des objectifs si l’on se donne des réserves ou portes de sorties du type : « si j’échoue, je ferai cela ou bien encore cela… » cela limite l’engagement, et donc les chances d’atteindre ses objectifs. L’engagement doit être total pour réussir…

Le travail en équipe, aussi, est valorisé, par des réunions organisées au sein du cabinet de manière autonome et régulière et permettent une meilleure connaissance du patient de sa dynamique personnelle et familiale et augmentent, ainsi, l’efficience des soins.

Sur le terrain la différence se fait sentir.

Les infirmiers ne sont plus seulement des exécutant de la prescription médicale, ils deviennent eux-mêmes décideurs de la stratégie de soin, ce nouveau statut plus intellectualisé et plus autonome de l’infirmier sous Equilibres augmente la confiance du patient envers l’infirmier, recréé  ainsi, une relation privilégiée (soignant/soigné) chère à Hildegarde Peplau , mais nous retrouvons également le courant de pensée de Moyra ALLEN  car les « infirmiers Equilibres » agissent sur le milieu en interagissant sur l’environnement.

En effet nous retrouvons son approche systémique proche de ce qui pour moi doit être une réalité de terrain : la promotion de santé, l’apprentissage du patient et de sa famille dans un partenariat avec le soignant. Elle  s’appuie notamment sur les forces et le potentiel de la personne ou de sa famille pour apprendre et s’adapter aux différents changements. C’est désormais ce qu’il est possible de faire durant cette expérimentation.


Concernant la facturation, Equilibres signe la fin des calculs d’apothicaire, des soins cotés en dégressif ou annulés car dépendant d’un forfait. L’infirmier est rémunéré 53euros90 soit 90cents la minute de soin. Tout ce qui est fait pour le patient en sa présence rentre dans le calcul : coordination médicale, pharmaceutique, familiale, aide sociale, relation d’aide, écoute active, gestion de cas, surveillance des effets secondaire, information, éducation, pour le patient comme pour l’aidant… bref tout ce qui est décrit dans la convention nationale ou le code de santé publique.


L’infirmier, peut, à tout moment, si la situation de soin le nécessite « déclencher » un soin tel qu’une éducation, ou une série de consultations ou tout autre issu de son rôle propre.


Par exemple, un infirmier peut être appelé par un patient afin de réaliser une prise de sang ou une hbpm (donc sous prescription médicale) et s’apercevoir au décours du soin que le patient développe une pathologie chronique et ne contrôle absolument rien. Il nécessite donc une éducation afin de ne plus dépendre des soignants et surtout afin de ne pas développer de complications. L’infirmier, n’a donc pas besoin de prescription supplémentaire pour organiser des séances d’éducation à la santé.
Ce que nous avons aussi remarqué et bientôt démontré c’est que pour des soins dits simples tels que l’injection s/c d’hbpm ou bien encore les contrôles de glycémies capillaires, nous montrons une volonté à éduquer et rendre autonome les patients dès que faire ce peut : il y a donc moins de tension dans les soins et les soins sont plus « raisonnés » : nous évitons « le soin pour le soins ».


Le logiciel Omaha, bien qu’encore en développement, comporte, lui aussi bien des avantages car il permet une réelle visibilité du soin ainsi qu’un outil de coordination d’équipe.
Evidemment, il est possible de gérer le planning, les tournées, ou encore avoir un regard sur sa facturation car il met en exergue la durée des soins et son rapport tarifaire, mais surtout il contient l’ensemble du dossier infirmier, les contacts et données cliniques et administratives.

III)  LE OMAHA SYSTEM EXPLIQUÉ PAR CÉLINE HORTE INFIRMIÈRE CLINICIENNE ENTRÉS DANS EQUILIBRES LE 13 DÉCEMBRE 2019.

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Omaha System est un système de classification des problèmes, de plan d’intervention et d’échelle d’évaluation des problèmes en vue des résultats. 
Il a été développé aux USA dans les années 1975, ll est leader en termes de santé publique dans les soins à domicile, cliniques, écoles et centres de santé.
C’est une classification complète, ordonnée, non exhaustive qui est conçue pour identifier les préoccupations en matière de santé des patients. Elle nous fournit une structure, un langage, un système de signes et d’indicateurs qui aident les praticiens à recueillir trier, consigner, classer, analyser et extraire les données. Cela nous permet de cerner tous les besoins du patient et d’arriver à un raisonnement clinique le plus précis possible afin de résoudre, l’aider à résoudre ses problèmes de santé, de le rendre autonome dans la mesure du possible afin d’éviter une aggravation de l’état de santé et des hospitalisations.
Le système a pour vocation de ne pas exprimer les valeurs du praticien, mais résumer les données objectives et subjectives relatives au patient. Il fait le lien entre le diagnostic et la proposition de soins.  
La taxonomie est articulée autour de 3 phases :

   Classification et exploration des problèmes : Il y en a 4 : psychosocial, physiologique, environnemental, comportement en santé avec un choix d’une population cible (individuel, familial, communautaire) et le niveau du problème c’est-à-dire s’il est potentiel, actuel, ou promotion de la santé. 
En fonction des choix, selon les problèmes du patient, on établit ensuite
   un Plan d’intervention ou il y a le choix entre 4 catégories :


   1) Guidance, enseignements conseils,
    2) Traitements et procédures 
   3) Gestion de situations,
4) Surveillance,

avec un listing adapté pour chaque types d’interventions. 


Enfin la 3ème phase est 
   l’Echelle de notation des résultats qui permet de voir l’évolution de la prise en charge du patient, son état de santé, le niveau de l’autonomie ( Connaissance , comportement et état ). 

 

 


Exemple d’une partie d’un évaluation Active Omaha 
 

 

L’idée est de faire ressortir tout le travail infirmier qui est réalisé et qui est caché derrière une nomenclature, des actes, derrière

« du faire ». Ce qui contribue probablement à « faire » sans donner du sens car non reconnu et donc l’installation de la lassitude, de l’épuisement du soignant et une moins bonne qualité de prise en charge des patients.

 

Nous sommes humains nous accomplissons les actes et faisons malgré tout ce qui est invisible ( écoute, relation d’aide , gestion de l’aidant , informations , dépistage du proche aidant quand nous soignons et cernons un problème de santé à explorer .) 


Avec cette taxonomie non exhaustive, que nous enrichissons dans le logiciel au fur et à mesure de l’expérimentation, nous mettons en lumière tout ce que l’infirmier met en œuvre au cours d’un acte pour le patient et pour les aidants.

Nous co-construisons cet outil.


Le Logiciel Umanova qui adapte cette taxonomie, met en lumière tous les patients qui sont autonomisés.


C’est une vraie chance de pouvoir faire partie de cette aventure qui je l’espère pourra se pérenniser. Depuis, mes pratiques ont changé, je me sens plus sereine dans mon travail, épanouie car je sais que je suis reconnue pour le travail que je fais auprès du patient et de sa famille, je ne suis plus en souffrance. Je peux élargir mes prises en charge à la famille si je sens qu’il y a un problème de santé. Les patients sont informés de notre pratique au début de la prise en charge, nous leur laissons un document expliquant l’expérimentation de façon simple.

Nous devenons des infirmiers de santé publique, de famille. Je prends le temps de m’asseoir, de me rendre disponible , approfondi l’écoute ,

l' élargir à l’entourage .

Les patient sont souvent surpris et me disent « aller ne perds pas de temps pour moi, tu as du travail ». On est dans une autre dimension du soins qui prends tout son sens, pour le patient et le soignant . 
Un exemple concret, avec les séances d’éducation thérapeutique pour les patients venant d’être diagnostiqués diabétiques ou compliqués. Ces séances, nous les avons mises en place depuis que nous sommes formés Jacques et moi, en 2016 : pendant quatre ans nous les réalisions au cabinet, en NGAP, c’est-à-dire, cotées en AIS4 soit 10€60 la séance d’une heure.
J’étais impulsée par l’envie de mettre en place mes acquis et compétences en ETP et surtout par une volonté de mettre en avant une nouvelle pratique me sortant du soin prescrit, du « faire ».
Depuis décembre 2019, je poursuis ces séances en ETP spécialisées en diabète, et mon travail est plus justement rémunéré à 53€90 de l’heure, je me sens donc reconnue et valorisée pour ce même exercice. 
Nous avons de plus en plus de consultations, de par l’exercice pluri-professionnel dans lequel nous évoluons et grâce aux résultats, à la qualité du suivi.


Si, Equilibres venait à ne pas se pérenniser, il est fort probable que je ne poursuive pas, malheureusement, ce type de consultation au vu de sa faible rémunération en NGAP, et au risque d’épuisement professionnel par manque de reconnaissance.


C’est ainsi, que la question se pose : « qu’adviendra-t-il des futurs patients nouvellement diagnostiqués diabétiques ? »
Les médecins de la MSP avec qui nous travaillons ont été informés également au début de notre intégration dans Equilibres. 
Nous avons des retours très positifs des patients qui souvent verbalisent la qualité de la prise en charge…
Il y a un gros plus également sur le volet de la coordination médicale et le travail en équipe. 

IV) LE MOT DE LA FIN…(JH)

 

 

 

 

Nous l’avons vu, EQUILIBRES redonne sa vraie place à l’infirmier et libère le patient de toutes les contraintes évitables du soin.
L’ensemble des infirmiers Equilibres se sentent plus détendus, retrouvent un sens à leur mission, soignent avec envie tout en cherchant toujours à évaluer avec le patient ce qui est bon pour lui, en répondant à la question : « de quoi avez-vous besoin, à ce jour ? », « qu’est-ce que moi, infirmier je peux vous apporter ? »


Au niveau de la pluridisciplinarité, ce modèle place l’infirmier à côté du médecin au même titre que tout autre professionnel de santé. La priorité reste le patient au sein de son environnement, et ses réactions humaines à la maladie, aux traitements ; or dans le système de la nomenclature, tout est fait afin que l’infirmier ne reste sous le joug médical : il est un « outil » du médecin, tout est centré, dans le soin, autour du médecin et non autour du patient… 


Ne perdez pas de vue que c’est encore le médecin qui prescrit des soins infirmiers : cherchez l’erreur !
Ce médico centrage, voulu à la fois par les décideurs politiques, induit par certains syndicats médicaux et même infirmier, est pour moi responsable du retard que notre profession a acquise par rapport aux nations référentes du soins infirmiers que sont le Canada ou les Etats-Unis …


Plus que tout aujourd’hui, alors que l’on commence à voir apparaître des plateformes de soins, à l’opposé de toute les valeurs humanistes du soin, je pense que nous avons tout intérêt à pérenniser cette expérimentation et le modèle qu’elle porte.


N’y a-t’il pas un parallèle entre la situation actuelle et la vision de Jos de BLOK lorsqu’il a ressenti le besoin de créer ce système de soin ?
Il reste au moins deux ans à nos équipes pour prouver l’efficience de ce système et l’adapter à la France.


   
   

 

Interview de Mr Guillaume Alsac , propos recueillis par Jacques HORTE

 

 


                  Bonjour Guillaume , merci d’accepter cette interview:

            Pouvez-vous vous présenter sommairement : cursus/profession actuelle ?

J’ai 47 ans, 4 enfants de 12 à 6 ans. Je suis ingénieur de formation, et actuellement formateur, accompagnateur et coordinateur de projets dans la santé au sens large.
Je vois ma mission personnelle comme « créer des contextes d’organisation qui permettent à chacun.e de donner le meilleur de lui-même.

 

Vous êtes à l’initiative de l’expérimentation art51 Equilibres LFSS 2018 : 


Comment est née cette expérimentation, qu’est-ce qui vous a motivé à développer ce genre de modèle ?

En 2016, nous avons créé cette ONG Soignons Humain sur l’idée d’offrir de meilleurs soutiens aux professionnels de santé, pour qu’il y ait moins d’obstacles à leur volonté naturelle de « bien soigner ». 

Nous étions persuadés de pouvoir déjà tenter beaucoup de choses sans avoir besoin de changements réglementaires ou légaux. Et c’est ce que nous avons commencé pendant deux ans, en aidant les infirmiers qui le souhaitaient (libéraux ou salariés peu importe) à vivre leur métier en équipe, et développer une approche globale de la santé des personnes.

 

Nous avons beaucoup expérimenté, cherché et appris nous-mêmes auprès de Buurtzorg en Hollande notamment.

Quand l’article 51 du PLFSS 2018 a été publié, nous nous sommes tout de suite dit que ce pourrait être une belle possibilité pour les professionnels d’aller plus loin dans cette vision du soin. 

Nous avons soumis le dossier Equilibres en mai 2018. Il a été accueilli plutôt avec scepticisme : le modèle de rémunération semblait trop simple. Et puis, au début 2019, il y a eu plusieurs séances de co construction avec des professionnels, la CNAM, le ministère qui ont permis de finaliser le cahier des charges de l’expérimentation, qui a ensuite été approuvé par le conseil stratégique Article 51 et enfin publié par arrêté ministériel en juillet 2019.

 

 

               Pour vous qui n’êtes un professionnel de santé quel est ou sera la plus-value de ce nouveau paradigme ?

Plus le modèle de rémunération est simple à comprendre et simple à mesurer, plus les professionnels sont en sécurité et plus ils pourront consacrer leurs précieuses qualités à leurs patients, à leurs collègues et aux autres professions de santé. La qualité et la pertinence des soins, et la coopération entre professionnels ne viennent pas des systèmes de paiements (qui sont des motivateurs extérieurs et pauvres), ils peuvent venir des personnes humaines, et de leurs riches motivations intérieures.

Ce paradigme, c’est celui de la motivation intrinsèque des soignants, ou de l’éthique personnelle et professionnelle, appelons-le comme on veut. 

Le « patron » n’est plus une nomenclature d’actes qui est complexe, et nécessairement froide, imparfaite, inadaptée, et dans certains cas même injuste et perverse, quand elle ferme l’accès aux soignants. Le « patron » dans Equilibres, c’est la mission, le but visé : celui de répondre de manière intégrale et durable aux besoins de santé des personnes, et en soutenant leur propre indépendance, leur autonomie, leur capacité de vivre la vie qu’ils choisissent, jusqu’à leur dernier souffle. « Se rendre inutile » en quelque sorte.


Sur quels socles s’appuie l’expérimentation ?


Ce que nous proposons dans Equilibres a vocation à alimenter et soutenir ce but visé, qui est exigeant au quotidien.

Les honoraires des professionnels ne sont plus calculés par la nomenclature d’actes, mais sont fonction du temps réel passé en présence du patient (54€/heure). C’est le professionnel qui évalue et choisit le temps nécessaire pour le patient au jour le jour, en ayant toujours à l’esprit le but visé : soutenir l’indépendance et l’autonomie des patients. Toute intervention infirmière prévue dans le décret de compétences peut être rémunérée, y compris la prévention, l’éducation à la santé, le soutien à l’aidant. Ce sont les besoins réels des personnes qui orientent l’action des professionnels : il n’y plus de blocage administratif ou financier qui empêcherait les professionnels de faire ce qui est nécessaire dans chaque situation rencontrée.

La formation et l’entraînement au travail en équipe, la revue par les pairs, l’évaluation des besoins et des objectifs avec le référentiel de soins Omaha sont les moyens offerts dans l’expérimentation.

Nous observons enfin qu’un bon nombre des professionnels qui ont été volontaires pour entrer dans Equilibres s’étaient formés en tant que clinicien, à la consultation infirmière, ou via un DU de soins palliatifs, d’éducation thérapeutique.

 


Quels sont, selon, les leviers et les freins que vous avez rencontrés lors de la création de cette expérimentation ?

Le principal levier, c’est le « chiche » donné par l’Assurance Maladie et le Ministère à notre proposition de nouveau paradigme. L’institution aussi a beaucoup à gagner de ce renversement de perspective. J’ai le sentiment que toutes les parties autour de la table sont d’accord sur un point : le système actuel n’est pas satisfaisant, et pas tenable sur la durée, malgré le budget consacré qui est très important. La complexité administrative, la fragmentation des interventions, l’absence de coopération, sont des maux qui frappent chacun, où qu’il soit dans le système de santé. 

Cela pose les bases d’une volonté commune de repenser (ou repanser ?) les principes, la culture et les croyances sous-jacentes à l’organisation actuelle.

Les freins ? C’est plutôt toi qui pourrais le dire 😉 Je dirais que les freins seraient l’impatience, qui ne laisserait pas aux personnes le temps de s’approprier les enjeux et ancrer de nouvelles pratiques. La peur de l’échec, qui nous pousserait à remettre en place des mécanismes de contrôles destructeurs de motivation intrinsèque. A l’inverse, l’angélisme, qui fausse la compréhension du réel, et conduirait lui aussi à l’échec. Ou bien encore oublier de considérer le patient, l’aidant et leur entourage comme partenaires.

 

Combien d’infirmiers, de cabinets et centres sont entrés dans l’expérimentation ?
Quelles sont les régions concernées ?


Aujourd’hui 120 infirmiers, en Occitanie, Hauts de France et Ile de France, issus de 20 cabinets libéraux et 7 centres de soins infirmiers.

 

 


Qu’envisagez-vous pour l’avenir concernant cette expérimentation ?

En 2020 les énergies ont été consacrées à l’inclusion des professionnels et à l’élaboration en parallèle du système informatique support : un temps de semailles….

L’enjeu en 2021 c’est de vivre en vrai ce nouveau paradigme, et de continuer à apprendre : qu’est ce qui aide, qu’est ce qui n’aide pas ? Qu’est ce qui est utile ou indispensable ? De quoi on peut se passer ? 
Encourager et soutenir les professionnels à se demander en équipe : «  quelle est la plus petite intervention utile ? » Comment considérer et intégrer le patient/l’aidant comme un partenaire dans le projet de soins et de maintien/retour à l’autonomie.

 

Un temps pour voir si ce qui pousse est en phase avec les attentes…Essayer, apprendre, et essayer encore. 

 

 


Qu’aimeriez-vous ajouter ?

Les avis de tous sont importants pour continuer à construire quelque chose qui soit à la fois impactant et en même temps potentiellement diffusable à plus grande échelle. Cette tâche est tellement complexe qu’elle peut induire du découragement ou du cynisme.

Personnellement, ce qui me donne de l’espoir ce sont les travaux de Elinor Ostrom (la 1ere femme prix Nobel d’économie !!) sur les Communs. En se basant sur des centaines de cas, au cours des siècles et sur tous les continents, elle décrit précisément les critères concrets qui permettent à des groupes humains de s’auto-organiser de manière durable, en prenant soin de leurs ressources communes.

Personne ne peut plus prétendre aujourd’hui détenir à lui tout seul « LA » solution pour l’avenir, cependant factuellement des voies d’avenir sont possibles : j’aimerais beaucoup pouvoir en dialoguer avec les détracteurs d’Equilibres. Ils ont des choses importantes à dire et j’ai envie de les entendre. Pas au travers de tweets cinglants à la Donald Trump, mais dans un dialogue honnête et ouvert, de personne à personne.

 

 

 

 

                 Interview Mr Pascal Lambert

Bonjour Pascal,


Pouvez-vous vous présenter brièvement ? ( cursus et activité présente ):


Infirmier libéral pendant près de 30 ans, j’ai complété ma formation par un certificat en ETP, un DIU en gérontechnologie puis un Master en sciences cliniques infirmières – pratique avancée en gérontologie que j’ai validé en 2012. En attendant sa reconnaissance par le Ministère de la santé (cherchez l’erreur ?), je multiplie diverses casquettes (consultant, formateur, mentor) toujours dans le double but d’améliorer de façon efficiente la prise en charge des patients, notamment âgés, et de promouvoir la profession infirmière, et particulièrement l’exercice libéral trop méconnu par les tiers. 


Qu’est-ce que l’expérimentation Equilibres art51 LFSS 2018 ? 
Elle permet de concevoir le rôle des infirmiers en ville différemment en leur permettant d’utiliser leur champ complet de compétences et de simplifier tout en mieux valorisant leur rémunération. Ce qui est actuellement impossible avec la NGAP qui reste principalement dans une logique de rémunération à l’acte technique et dont la lourdeur et la complexité administrative n’est plus à prouver. 


Pouvez-vous me dire comment est née l’expérimentation Équilibres art51 LFSS 2018 ? 


D’une rencontre avec Guillaume Alsac, il y a 3 ou 4 ans quand il venait juste de fonder l’association Soignons Humain suite à sa découverte du modèle Buurtzorg hollandais créé par Jos de Block. Polytechnicien d’origine, son souhait était de diffuser ce modèle en France et les infirmiers français des Hauts-de-France à qui il avait proposé ce mode d’organisation avaient tous préféré opter pour l’exercice en centres de santé. 


Quel a été votre rôle dans sa création ou son développement et quel est-il aujourd’hui? 


Ma vision de la réalité terrain, ma légitimité et mon approche evidence-based practise. Quand Guillaume m’a parlé de son projet de candidater à l’art. 51 LFSS2018, je lui ai vivement conseillé, entre autres, de l’ouvrir aux infirmiers libéraux.

Avec Thi, grâce à notre expertise complémentaire et à nos réseaux respectifs, nous lui avons ainsi permis de la déployer et de lui donner toutes ses chances de succès. Je fais partie d’une équipe qui accompagne les infirmiers tout au long de ces 3 années d’expérimentation. Par mon expertise à la fois clinique et de l’exercice libéral, j’assure une sorte de mentorat bienveillant sur les bonnes pratiques dès lors qu’ils en expriment le besoin.

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Je fais aussi partie du Comité du pilotage et du Comité éthique du projet.

 
Quelle est selon vous la plus-value apportée aux usagers du système de santé par l’expérimentation ? 


La crise sanitaire récente a montré lors du 1er confinement la richesse et l’apport des infirmiers libéraux qui ont été sur tous les fronts. Dans le respect de notre décret de compétences, ils ont été capables d’être force de proposition et d’initiative pour maintenir l’état d’une population sur un territoire donné : sur leur temps de repos, et avec peu voire pas de moyens, nombreux ont participé à la création de centre Covid 19, à intervenir dans les Ehpad, à s’entraider dans la recherche des EPI ... Ils ont été l’élément central de la coordination Ville/hôpital et du maintien à domicile. Les patients et leur famille ont été rassurés par leur présence continue et rassurante, leur guidance et leur professionnalisme. Savoir qu’on peut compter sur quelqu’un de confiance et de compétent dans ces moments là est psychologiquement important ! 


Par ailleurs, lorsque des hospitalisations étaient nécessaires, ils ont fait en sorte pour que ce soit planifié et ils ont préparé les sorties de même afin de garantir un retour à domicile sécurisé. 


Avez-vous de bons retours des acteurs engagés dans l’expérimentation ? 
Grâce à EQUILIBRES, tout ce travail a été rendu visible et a pu être rémunéré. Ils se sont sentis compris, soutenus et valorisés. Grâce à EQUILIBRES, les infirmiers participants ont pu bénéficier de la part du Copil d’un soutien et d’un accompagnement qui leur a permis de supporter cette lourde charge mentale et de préserver une qualité de vie au travail satisfaisante malgré tout. Presque tous ont témoigné que sans cette expérimentation, ils auraient arrêté la profession à très court terme, comme ce qui se passe déjà ailleurs. 


Que pensez-vous de son devenir ?
Compte tenu des 1ers résultats à un an déjà fort prometteurs, il serait dommage de ne pas la pérenniser. 


Qu’aimeriez-vous rajouter ? 
Je suis à la fois très fier et très heureux de constater que le pari risqué à l’époque que nous avons fait porte déjà d’aussi merveilleux fruits. Et que les infirmiers libéraux ont pu montrer de quoi ils étaient capables en matière de prévention et de réponse de proximité. A ce jour, dans EQUILIBRES, ils représentent 3⁄4 des infirmiers participants. C’est une magnifique aventure humaine. 


Propos recueillis par Jacques HORTE

 

 

       

 

                  Interview Mme Thi Lambert :

 


 

                                                               Bonjour Thi ,

Pouvez-vous vous présenter brièvement ? 

Juriste de formation, j’ai été amenée à m’intéresser au domaine de la santé suite à la condamnation de mon mari, infirmier libéral, par la CPAM à lui rembourser tous ses soins hors quotas. A l’époque, tous les avocats des syndicats représentatifs contactés lui avaient conseillé de se plier à cette décision. Il m’a demandé de l’aider, il n’a rien payé au final et les quotas ont été supprimé peu de temps après. Depuis lors, pour l’accompagner au mieux dans son exercice professionnel et dans ses différents projets, j’ai validé un master en management et gestion des établissements de santé puis un autre master en économie de la santé. Actuellement, je suis consultante-conseil-prospectiviste. Mon expertise est axée sur l’innovation organisationnelle et l’accompagnement à la transformation du système de santé dans ce virage ambulatoire et domiciliaire indispensable à sa pérennité.

Qu’est-ce que l’expérimentation Equilibres art51 LFSS 2018 ?

Compte tenu de l’allongement de la durée de vie, de l’explosion de la chronicité des maladies, de la pénurie en professionnels de santé qualifiés et de la raréfaction des ressources financières, je la vois comme une opportunité pour renforcer les soins primaires/la prévention de façon efficiente pour le patient et son entourage tout en préservant la qualité de vie au travail des infirmières participantes. 

Pouvez-vous me dire comment est née l’expérimentation Équilibres art51 LFSS 2018 ?

Guillaume Alsac venait de fonder l’Association Soignons Humain afin de transposer, dans les Hauts de France dans un 1er temps, le modèle Buurtzorg hollandais créé par Jos de Block qu’il avait trouvé formidable avec ses équipes auto-organisées et coachées productrices de soins efficients et bienveillantes avec son personnel. En reconversion professionnelle, il souhaitait s’investir dans ce projet plein de sens pour lui. L’art. 51 LFSS2018 était une opportunité de le déployer à plus grande échelle en France.

Quel a été votre rôle dans sa création ou son développement et quel est-il aujourd’hui ?

Mon apport réside dans une expertise pointue et originale du système de santé français et de la réalité terrain, le tout enrichi par un réseau très hétéroclite et une vision à la fois intégrative et basée sur l’évaluation/l’amélioration continue. J’ai permis de redimensionner l’aspect financier du projet qui avait sous-estimé et donc sous-valorisé le travail de l’équipe opérationnelle. Par ailleurs, connaissant les spécificités propres à l’exercice salarié en centres de santé, avec Pascal, on a voulu parier sur le potentiel des infirmiers libéraux. Tout cela a contribué à faire décoller et à consolider l’expérimentation dans un temps très court et de lui permettre de donner des résultats encourageants au bout de quelques mois seulement. Et le 1er confinement a été particulièrement instructif. 
Comme je ne suis pas coach, et que la région Ile-de-France que je devais animer ne pouvait pas être réceptive à l’expérimentation EQUILIBRES, j’ai quitté le projet l’été dernier car je ne leur étais plus utile.

Quels ont été les freins et leviers de cette mise en place d’expérimentation ?

Les freins sont pour l’Ile de France compte tenu du tarif horaire trop bas par rapport à son niveau de vie plus élevé que la moyenne nationale et de la spécificité de la pratique libérale dans cette région (points relevés lors du montage du projet). Les leviers sont la remarquable mobilisation et le courage des infirmiers libéraux de nous avoir fait confiance et d’avoir accepté de relever ce défi avec nous quasi sans filet pour eux. 


Quelle est selon vous la plus-value apportée aux usagers du système de santé par l’expérimentation ?

Pour compléter ma réponse donnée à votre 2ème question, sa plus-value est multiple, à la fois directe et indirecte. 


En partant des besoins des patients et de leur entourage, EQUILIBRES favorise le recentrage des infirmiers participants sur leur cœur de métier dans lequel ils peuvent désormais s’investir pleinement et en retirer toute satisfaction.  De facto, EQUILIBRES améliore tant la prise en charge des usagers que la qualité de vie de travail des professionnels de santé. Le cercle vertueux est donc possible !


Par ailleurs, EQUILIBRES permet de mieux structurer les soins de ville en mode agile et frugale sans passer par la création de CPTS, MSP, SISA etc qui sont chronophages et énergivores pour les professionnels de santé qui les composent … dont autant de temps en moins à consacrer aux patients (je vous parle en connaissance de cause pour faire partie du groupe de travail chargé de la rédaction d’un projet de santé publique d’une CPTS). Ceci est contre-productif sinon délétère dans une période, hélas durablement houleuse, où nous assistons de surcroît à une inquiétante démoralisation/désaffection de professionnels de santé fatigués et excédés dont de plus en plus abandonnent leur métier.


La NGAP qui ne retient qu’une vision partielle des compétences infirmières et son paiement à l’acte technique sont obsolètes face aux enjeux d’aujourd’hui et de demain. Les infirmiers sont mal et sous utilisés au regard des besoins actuels des patients et de leur entourage. C’est un énorme gâchis. Il est urgent de refonder notre système de santé curatif pyramidal pour basculer vers un système de santé préventif centré sur le patient et dans lequel la gradation de l’offre de soins, la subsidiarité et la complémentarité doivent primer. 


La crise sanitaire récente en a été une preuve flagrante. Je vous invite à cet effet de regarder le poster présenté en décembre dernier lors des dernières Journées Annuelles de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie suite à l’étude que nous avons menée sur l’impact de cette expérimentation sur les infirmiers participants et leur patientèle durant le 1er confinement.

Avez-vous de bons retours des acteurs engagés dans l’expérimentation ?

Quand on m’en a donné l’occasion, j’ai pu effectivement recueillir leur espoir dans la pérennisation de cette expérimentation.

 


Que pensez-vous de son devenir ?

Sans préjuger des conclusions du rapport d’évaluation que mène CEMKA EVAL sur cette expérimentation et des décisions finales consécutives, je suis plutôt optimiste sur sa pérennisation … selon des modalités à préciser. 


Qu’aimeriez-vous rajouter ?

A mon avis, au regard de la spécificité de l’exercice libéral, il serait fort intéressant d’analyser son impact sui generis sur l’amélioration du système de santé à travers cette expérimentation mais je ne sais pas si cela est prévu. En effet, je reste convaincue que miser sur la prévention, l’exercice libéral et, notamment, les infirmiers apporte le meilleur RSI possible pour le système de santé et pour les patients. Mais la littérature est pauvre à ce sujet et les opportunités pour lancer des études sur le libéral, encore trop rares.

Enfin, face à cette transition du système de santé, les professionnels de santé libéraux doivent aussi évoluer or leurs besoins spécifiques sont partiellement couverts actuellement. C’est la raison pour laquelle, je suis aussi persuadée que de nouveaux métiers « supports » sont nécessaires pour les accompagner et les soutenir afin qu’ils restent centrés le plus possible sur leur cœur de métier soignant et sur l’amélioration continue de leurs pratiques professionnelles. Après tout, c’est une question de confiance, de leadership éclairé et de recentrer chaque partenaire sur ses compétences propres.

 

 

 

                        

        Interview de Mathieu NOCHELSKI

Bonjour Mathieu,

pouvez vous vous présenter brièvement : quel est votre cursus professionnel, vos envies, ce qui fait que vous avez adhérer au projet Equilibres art51 ?

    J’ai 37 ans, je suis infirmier DE depuis 2006. Mon parcours professionnel s’est initié dans la fonction publique hospitalière en médecine gériatrique pendant plus de 3 ans. En parallèle j’ai commencé à intervenir comme formateur vacataire pour des IFSI. 


   J’ai ensuite coordonné une Equipe Mobile de Soins Palliatifs gériatrique et en partie un service avec des Lits Identifiés Soins Palliatifs eux aussi dans le contexte de la gériatrie, durant 4 ans (expérimentation en lien avec l’ARS Hauts de France). J’ai suivi la formation du DU de Soins Palliatifs au cours de ce cursus.  


   A la suite je suis devenu formateur en IFSI pendant 6 ans. J’ai obtenu le diplôme cadre de santé ainsi qu’une licence Education des Adultes et un master II santé et social (spécialité Handicap et dépendance, mention Ingénieries Pédagogiques des Formations en Santé). 


   En 2017, quelques mois après sa création, j’ai rejoint à titre bénévole les fondateurs et le CA de l’association Soignons Humain (porteuse de l’expérimentation Equilibres art.51). J’ai été formé au coaching et à facilitation d’équipe, à la méthode orientée solution (SDMI) et au Omaha System. 


Nous avons déposé et porté le projet d’article 51 en 2018 et 2019. En septembre 2019, je suis devenu salarié de Soignons Humain, dans le cadre de l’expérimentation Equilibres article 51. 


Quel rôle avez-vous au sein de l’expérimentation ?

Mon rôle dans Equilibres est d’être coach-facilitateur d’équipe et également formateur sur le Omaha System, le logiciel dédié, ainsi que l’approche orientée solution. Je coordonne le projet pour les équipes d’Île de France. J’assure également des missions concernant la gestion informatique du logiciel de soins (évolutions, mise à jour, accompagnement des professionnels, tutoriels) et les outils de communication numériques utilisés au sein du projet (Slack). Je siège aussi au comité éthique du projet. 


Enfin j’ai un rôle de co-responsabilité dans le déroulement de cette expérimentation en tant que membre du COPIL : je participe aux différentes réunions, temps de préparation des rencontres (Omaha Fest par exemple), de co-construction avec les équipes, à la réflexion sur le sens et l’évolution du projet, son évaluation avec le cabinet CEMKA éval… 

 

 

Combien d’infirmiers se sont engagés dans cette expérimentation ?

A ce jour il y a désormais 28 équipes pour 120 infirmiers sur 3 régions : L’Occitanie, L’Île de France et les Hauts de France. 


Qu’est ce qui selon vous apporte une plus value dans ce projet ?

Je ne pense pas qu’il y en ait une seule. Je dirai tout d’abord la spécificité dont les articles 51 ont été portés, construits, menés et sont évalués. Le porteur du projet est impliqué tout au long du processus. Il s’agit d’une co-construction à la fois entre le porteur, les personnes concernées et les décideurs (ministère de la santé, CNAM). Il y a une concertation très régulière. De même pour l’évaluation. Celle-ci s’est co-construite en partenariat entre les différents protagonistes. Il n’y a pas eu d’imposition directive. Tout se déroule avec une parole possible et écoutée de la part de chacun. 

Ensuite l’intérêt même de ces articles 51 : il s’agit réellement d’innover dans l’organisation en santé. Leurs objectifs c’est d’apporter plus d’efficience, une meilleure qualité de soins et d’améliorer la prévention. Ils permettent d’expérimenter en ayant la possibilité de déroger aux modes de financements déjà en place pour en tester d’autres. Il y a la volonté aussi de décloisonner le système de santé français et d’encourager à la coopération entre les acteurs. 

Je retrouve cette co-construction et cette intelligence collective au niveau des acteurs concernés par l’expérimentation Equilibres. Il y a un dialogue, des échanges, de la co-construction et une co-responsabilité entre les différents acteurs : le COPIL, les IDE, le ministère, la CNAM, CEMKA Eval…

La plus value que j’y vois aussi c’est que les expérimentations proposées viennent réellement des acteurs du terrain. Elles partent donc des besoins que ces acteurs en santé ont constatés, relevés et pour lesquels ils proposent une nouvelle solution à tester. 

Pour Equilibres pour moi la grande plus value c’est le réalignement des intérêts de chacun : professionnels, patients, aidants, système de santé de façon plus global, les autres intervenants autour du patient…  C’est aussi une approche qui amène de la simplicité. 


Concernant le  système informatique « omaha », qu’apporte t’il ? 

Au départ le Omaha System n’est pas un logiciel en soin. C’est une taxonomie de soins, un système qui soutien le raisonnement clinique. Il permet de classifier des problèmes, puis des plans d’intervention et des échelles d’évaluation de l’autonomie du patient, en vue de résultats. 


C’est un outil qui a été créé par deux infirmières américaines pour soutenir la pratique clinique, sa documentations et la gestion des informations. 


Il est aujourd’hui utilisé dans plusieurs pays et plusieurs organisations professionnelles l’ont reconnu comme une nomenclature de référence pour la profession soignante ou pour soutenir la pratique IDE. 


Les points forts du Omaha sont sa capacité à être très complet, souple, à se focaliser sur les besoins du patients et sur ses capacités d’autonomie (maintien ou restauration) par rapport aux problèmes rencontrés. Au travers d’un cadre structuré d’organisation il permet réellement une approche systémique et humaniste du raisonnement clinique. 


J’apprécie aussi qu’il permette de mesurer l’efficience et l’efficacité des actions mises en oeuvre, grâce aux échelles notation des résultats qui se focalisent sur le plan des connaissances, du comportement et de l’état de santé du patient. 


Il permet vraiment une vue en hauteur sur la situation du patient. Comme tout nouvel outil il faut s’approprier sa logique mais je trouve les possibilités très étendues une fois que la compréhensions est intégrée. L’avantage c’est qu’il est parlant pour des infirmiers mais qu’il ne se limite pas à cette profession.

C’est un outil qui peut se mutualiser avec d’autres professionnels pour en faire un outil pluri/inter disciplinaire. Il encourage à la réflexion d’équipe et en équipe.

J’apprécie aussi que le Omaha permette d’associer le patient et/ou l’aidant dès la constitution du dossier, dans une notion de partenariat : par l’écoute, la relation initiée pour effectuer le recueil de données puis ensuite au moment de la constitution de l’évaluation Omaha. 
Sur le plan soignant il est vraiment possible de tracer tout ce qui est fait, rendre visible ce qui était invisible jusqu’alors (mettre en évidence toutes les facettes de l’action des soignants) , à ce jour je ne lui ai pas trouvé de limite sur ce plan. 

L'apport de l’informatique permet d’intégrer cette outil avec les avantages du numérique : accès à distance en tout temps (dès présence de réseau ou de connexion bien sûr), partages des données en temps réel entre IDE du même cabinet, raccourcis pour compléter ou remplir plus rapidement, possibilité d’avoir des graphiques, des visuels, des évolutions affichées, d’intégrer des pièces jointes (photos, scan de docs), automatisation de certains process, tracabilité en accord avec le décret de compétence, …

 

Comment les infirmiers inscrits dans l’expérimentation sont ils évalués ?
Autrement dit, quels sont les critères d’évaluation  ?

Pour reprendre la question, il ne s’agit pas d’une évaluation « du travail » des soignants. Les soignants ne vont pas être « notés ou surveillés «  sur ce qu’ils font « bien ou pas ». Nous avons initié ce projet en argumentant,  le fait de redonner de la confiance, donc c’est important pour nous de la développer et la maintenir.

Ceci étant dit, comme il s’agit d’un projet avec des fonds publics et avec un argument de santé publique, il est normal de venir questionner son impact sur différents critères et indicateurs. 

Un cabinet d’évaluation externe a été nommé par le ministère de la santé et la CNAM après un appel d’offre. 


La constitution du protocole d’évaluation s’est déroulé en concertation avec les différentes parties : la CNAM, le ministère, le COPIL d’Equilibres, CEMKA et bien sûr les soignants infirmiers de l’expérimentation. Nous les avons sollicité au travers de groupes d’échange et nous leur avons transmis les projets du protocole pour qu’ils puissent donner leur avis et leurs idées. 
L’évaluation est mixte : qualitative et quantitative. Il y aura un premier retour d’ici juin 2021 puis ensuite en 2022.

Détailler les différents axes, critères et indicateurs me prendrait plusieurs lignes et du temps qu’il n’est pas forcément possible d’avoir dans une simple interview. 

En essayant de résumer et synthétiser, l’évaluation va s’intéresser au vécu des infirmiers dans Equilibres (enquêtes, entretiens, visites de terrain) mais aussi des différentes parties prenantes : le COPIL d’Equilibres, les formateurs, les facilitateurs, les patients, les aidants, les autres partenaires de santé et le versant institutionnel. Il y aura bien sûr des analyses sur le plan comptable, budgétaire du projet, des comparatifs entre facturation NGAP et tarif horaire, des mesures d’impacts sur les patients (temps passé et résultats pour le patient), une analyse des coûts avant/après auprès des patients du dispositif, des comparatifs avec le SNDS, des analyse des profils patients SNDS/OMAHA, des liens d’analyse avec les données dépendances sur le plan départemental… 

Quels sont pour vous les changements majeurs qu’apporte  l’expérimentation ?

Ce projet amène un ré-alignement entre les intérêts des professionnels de santé que sont les infirmiers à domicile, les personnes que sont les patients et les aidants, et enfin le système de santé plus globalement (les pouvoirs publics, les financeurs, les autres professionnels…). 
Equilibres ne peut pas être réduit je pense juste au tarif horaire. C’est un moyen important dans le projet car il permet de sortir de la considération du patient au travers des actes pour revenir à une approche initiale de la relation en vue de fixer avec lui (et/ou l’aidant) son projet de soin. Il sécurise aussi selon moi le professionnel en lui permettant de focaliser sa réflexion sur les besoins du patients, ceux de son entourage, les ressources de son environnement. Cela amène aussi un aspect de simplification dans la compréhension et la mesure, c’est un point important que nous avons porté avec cette article 51. Le professionnel estime en regard des besoins, le temps juste et nécessaire pour le patient et ce à chaque jour. 


L’objectif dans Equilibres a été de permettre aux professionnels infirmiers de pleinement exercer leur métier dans ses différentes dimensions (soin curatif, palliatif, prévention, coordination, éducation…) : le professionnel peut donc exercer et être rémunéré pour les actions d’éducation thérapeutique, de soutien, de relation d’aide/aidante, d’approche non médicamenteuse… (tout en gardant à l’esprit que cela doit rester dans le champ de compétence définit légalement et qu’il faut tout de même la prescription initiale médicale initiale pour intervenir). 


Ce qui prime ensuite dans l’accompagnement du patient et de son entourage aidant c’est la considération des besoins, de l’autonomie … il est alors possible d’aller jusqu’à cette notion de partenariat, de patient partenaire. 


La mission et le but visé c’est de pouvoir permettre au soignant de ne plus être indispensable, qu’il puisse se retirer et se rendre « invisible » comme le disent plusieurs des infirmiers dans Equilibres, permettre au patient de vivre la vie la plus riche et la plus autonome possible à son domicile.  Bien sûr suivant les situations il y aura toujours une certaine présence qui pourra évoluer dans le temps (je pense par exemple aux situations palliatives). Mais pour beaucoup d’autres situations il est possible d’accompagner le patient à la reprise de cette part d’autonomie et de responsabilité qui fait que l’infirmier ne sera plus forcément à devoir passer 3 fois par jour (c’est un exemple). Cela peut aussi passer par le rôle de coordination qu’à l’infirmier : mobiliser le réseau de première ou seconde proximité, accompagner le patient/l’aidant à trouver les ressources dont il peut avoir avoir besoin. 
Nous essayons que ce qui est proposé dans Equilibres viennent soutenir cela. 


Comme Equilibres vient remettre au centre l’importance de la relation, nous avons aussi mis en avant, l’importance de la dynamique d’équipe. Un professionnel qui vit son travail avec du sens et de l’épanouissement, nous croyons que c’est un professionnel qui est soutenu et qui ne travaille pas seul. C’est donc important que cette qualité de relation et d’accompagnement que nous avons mis comme un socle dans l’approche des patients, de leur aidant, puisse aussi se vivre dans l’équipe et avec les autres partenaires professionnels. C’est pour cela que les équipes ont accès à un facilitateur et à des temps de formation, d’échange sur les approches de communication orientée solution. 


L’autres aspect évident qui me vient à l’esprit dans Equilibres c’est l’importance des rencontres et de la co-construction, de l’intelligence collective. Ensemble nous pouvons aller plus loin, même si ça prend un peu plus de temps que si nous étions seuls pour prendre les décisions et les acter. Equilibre essaye d’apporter les conditions pour que puisse se vivre ces espaces de partage (pairabilité, analyses de pratique.)… Cela permet aux professionnels aussi de se soutenir entre eux, de bénéficier des compétences de leurs collègues et de leurs expertises. 


Quels sont vos espoirs pour le futur ?

Déjà pour cette année je souhaite que nous puissions continuer à apprendre ensemble, se poser les questions dans ce modèle de :  Qu’est-ce qui est soutenant ? Qu’est-ce qui freine ? Qu’est-ce qui faut améliorer ? Qu’est ce qui permet de servir la mission et la raison d’être ? Qu’est-ce qui permet de l’atteindre ? Quels sont les éléments qui permettent l’autorégulation et l’autoévaluation ? 

Continuer à soutenir les professionnels et les accompagner dans cette interrogation de quelle est la plus petite intervention utile (ou comment me rendre « invisible » ?) ? Comment considérer et intégrer le patient/l’aidant comme un partenaire dans le projet de soins et de maintien/retour à l’autonomie ? 

J’espère aussi que cette expérimentation va aboutir sur une réflexion pas uniquement pour les 3 régions, que les constats amenés par l’évaluation permettront de valider la raison d’être et la mission afin d’envisager une pérennisation pour le bien tous.

Je souhaite aussi un dialogue et de l’échange authentique, constructif avec ceux qui peuvent apporter un regard et un avis pertinent, critique (mais pas destructeur ou fermé) sur cette expérimentation. 

Qu’aimeriez-vous rajouter ?

Je perçois aujourd’hui que ce qui permet avant tout d’amener du changement c’est quand nous partons de ce qui nous anime au plus profond de nous, ce qui fait sens. Cela signifie de connecter au niveau relationnel pour rejoindre l’humain en chacun de nous. C’est ce socle que nous avons essayé de poser dans Equilibres. J’espère que ce modèle pourra inspirer pour amener un nouveau souffle et de l’espérance dans le milieu de la santé (pas juste dans le contexte du domicile) voire même au delà.


Le monde de la santé est en souffrance et il est le siège de nombreuses violences. C’est aussi un reflet des temps actuels et de la société. Je crois qu’il est possible de proposer un modèle différent, qui amène de la paix, une espérance, l’occasion pour les soignants

de ré-exercer avec un alignement en eux où ils trouvent du sens. Cela peut paraître rêveur ou utopique, mais avec Soignons Humain et Equilibres nous avons initié une démarche qui montre que le changement est possible. Sans me prétendre à sa hauteur, j’apprécie beaucoup l’exemple de Martin Luther King qui a initié une démarche de changement avec conviction, paix et espérance.

Il l’a fait alors que ça pouvait sembler impossible. A notre échelle et pour le milieu qui nous concerne nous essayons aussi.

Propos recueillis par Jacques Horte IDEL Clinicien .Article paru dans la revue N°2 le journal de l'infirmier 

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À propos

D'EQUILIBRES QUEL PARCOURS ?

Présentation du projet ,de l'équipe, Omaha ,retour d'expérience des infirmiers inclus dans le projet ...

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Un projet qui pourra se déployer, nous
l'espérons ,dans quelques mois. 

Quelques témoignages vidéos d'infirmiers "Equilibres" et de Jos De Blok 

Equilibres ils en parlent : Dominique
02:17
Equilibres ils en parlent : Baya
03:51
Equilibres témoignages
03:55
Echange Faculté de Sciences infirmières de Montréal au Québec

Visioconférence avec la Faculté de Sciences Infirmières de Montréal au Quebec , pour exposer le projet Equilibres .

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Vous êtes Infirmiers Libéraux et intéressés par ce projet ? Vous trouverez  ici                     la lettre d'intention à remplir et à renvoyer à
chrystele.leman@soignonshumain.fr

Equilibres expliqué sous forme de Brainstorming

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Equilibres expliqué par Mathieu Nochelski Co-fondateur de soignons Humain

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