
Témoignage
Quésako la pratique avancée infirmière ?!
Historique :
Le développement de la pratique avancée infirmière est basé sur notre métier socle d’infirmier où les soins infirmiers sont axés sur 3 concepts : la Personne, la Santé et l’Environnement. L’infirmier prodigue des soins individualisés à la Personne, dans son cadre clinique spécifique, et son cadre de vie dans lequel les besoins se manifestent. Cette expertise basée sur ces 3 concepts permet une approche globale centré patient.
L’infirmier en pratique avancée (IPA) est apparu dès les années 1965 aux USA, avec le premier Master en 1970. Le premier objectif était de « soulager » les médecins généralistes. Depuis La pratique avancée infirmière a été développé dans plus de 60 pays. On constate qu’elle est souvent liée à une situation de tension en santé publique dans ces pays. (Pénurie, augmentation des maladies chroniques, COVID-19, …)
Le conseil international des infirmiers (CII) a réalisé de nombreux travaux sur la théorisation, modélisation de la pratique avancée et en a rédigé en 2002 une définition pour permettre une uniformisation :
« L’infirmière de pratique avancée comme ayant acquis les connaissances théoriques, le savoir-faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de son métier ; pratique avancée dont les caractéristiques sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière est autorisée à exercer. Un master est recommandé comme diplôme d’entrée. La pratique avancée est clinique. Elle est centrée sur le patient et/ou les aidants en tant que partenaires de soins. »
Hamric et Al définisent les compétences de l’IPA en 2013. On y retrouve en compétence centrale la clinique directe, d’où découlera les 6 autres :
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L’encadrement et orientation expert,
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La consultation,
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La recherche,
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La collaboration,
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L’éthique
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Le leadership clinique, professionnel et systémique.
En effet l’IPA va analyser et exploiter des situations cliniques complexes dans le but de favoriser l’intégration des données probantes de l’évidence base nursing (EBN) et de l’évidence base médecine (EBM) dans les pratiques de soins, sur le parcours de soins, de santé et de vie des patients.
L’implantation des IPA dans le système de santé s’inscrit dans 2 volontés :
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La première est l’évolution de la profession infirmière avec une universitarisation de notre cursus dans le cadre des accords de Bologne en 2009. En France on attendra 10 ans pour la mise en place du DE IPA Grade Master (Bac+5) car seulement accessible par notre profession et avec possibilité d’exercice en ayant 3 ans d’exercice infirmier au préalable. L’objectif est la montée en compétences pour développer son autonomie ainsi que la discipline en science infirmière.
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La deuxième dans la nécessité de modernisation du système de santé qui légifère par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016, la pratique avancée infirmière et le développement de la prévention et promotion en santé. Puis en 2018, le Plan gouvernemental « ma santé 2022 » fait paraitre au JO, le décret n°2018-629 du 18 juillet 2018 qui définit le cadre d’exercice et les compétences de l’IPA.
Qui suis-je ?
Je suis infirmière en pratique avancée en pathologies chroniques stabilisées, prévention et polypathologies courantes. Actuellement, je suis membre du bureau de la SoFRIPA et déléguée du CNP IPA. Je fais partie des premières infirmières libérales diplômée en 2020, à avoir suivi le cursus IPA complet du DE, grade master de la faculté de Montpellier. J’étais infirmière avec un parcours professionnel en gérontologie, puis je suis partie en libérale car je n’arrivais pas à m’épanouir en milieu hospitalier.
En réseau de ville j’ai pu me découvrir… Mes compétences, capacités, que j’ai pu déployer auprès des professionnels et surtout des patients et aidants. J’ai pu vraiment saisir toute la dimension globale de la prise en charge infirmière au cœur du réseau de proximité des personnes. La posture de proximité et de veille sanitaire de notre profession, qui avait tout son sens dans le système de santé. Pour autant j’étais consciente des difficultés de coordination et coopération entre la ville et l’hôpital. L’évolution nécessaire des pratiques professionnelles en réseau de ville au vu du développement du virage ambulatoire.
Je suis allée vers les études d’IPA pour 2 raisons :
La première est personnelle. J’avais une réelle soif d’apprendre et d’évoluer professionnellement, tout en voyant la plus-value que cela pourrait avoir pour la qualité et efficience de prise en charge des patients. J’ai obtenu 2 DU sur les plaies et cicatrisation et le pied diabétique. Cela m’a ouvert des perspectives d’analyse de situations cliniques très nourrissantes grâce à l’évolution de mon savoir et aux échanges pluridisciplinaires. Je n’étais pas dans une position de « faire », de technicienne expérimentée. J’ai développé une réelle analyse globale des situations cliniques en lien avec les plaies chroniques et polypathologies chroniques associées. L’amélioration de leur confort de vie, de leur prise en soins et de la prévention nécessaire sur leur parcours de soins et de santé me faisait sens.
La deuxième est plus en lien avec les besoins de la population exprimés ou identifiés lors de mon activité d’idel. Développer le « prendre soin », l’écoute et le partenariat des patients et des aidants dans la prise en charge thérapeutique. Le constat des difficultés d’accès aux soins autant en médecine générale, qu’en soins spécialisés…Pour moi la profession infirmière à toute sa place pour répondre à ses enjeux et la pratique avancée a pu démontrer dans les autres pays sont rôle pivot.
Je souhaitais être actrice du développement du réseau ville/ hôpital et du décloisonnement des pratiques professionnelles. La mise en place du binôme médecin/ infirmier via les premiers protocoles de coopération (entre autres au sein des réseaux plaies et cicatrisation et en santé publique avec Asalée) étaient de beaux exemples précurseurs de ce que la collaboration pouvait amener comme développement des pratiques professionnelles.
Je fais partie de la première promotion ayant eu le cursus entier du master IPA créé en 2018. Une belle aventure bien qu’éprouvante psychologiquement, financièrement et physiquement. Nous avons malheureusement peu pu apprendre auprès d’IPA pour nous transmettre leur vision. La formation a été réalisé par des cadres formateurs infirmiers et des médecins. Ils nous ont mis tout au long de ces 2 ans en posture réflexive, en nous transmettant des outils (recherche, conduite de projet, éducation, clinique, sémiologies, pharmacologie, droit, éthique …), pour construire un nouvel exercice de notre profession d’infirmière en France. J’ai réalisé mes stages encadrés par des médecins spécialistes et généralistes. J’ai saisi toutes les opportunités que j’avais d’apprendre auprès du corps médical pour compléter mon approche clinicienne infirmière. Mon horizon c’est ouvert à 360° sur la prise en soins des patients, leur santé et leur environnement. Le cursus en pratique avancée permet de monter en compétences pour développer cette approche systémique et les connaissances nécessaires à l’intégration en santé sur les territoires.
Mais…
Mais ce ne fut pas sans épuisement… face au craintes, représentations erronées, conflits de pouvoir sur les territoires. Qui dit vision systémique, souhait d’innovations et de changement, peut provoquer l’isolement...
Heureusement j’ai pu m’entourer d’un collectif soutenant mes valeurs humaines et professionnelles auprès des infirmiers du projet articles 51 « Equilibres » et de l’association « Soignons Humain ». Nous développons aussi un riche réseau IPA avec divers associations représentantes : le CNPIPA, la SoFRIPA, notre société savante, UNIPA, notre syndicat et des associations : ANFIPA, IPA association… Nous avons un énorme travail d’acculturation à réaliser auprès de la population et des professionnels de santé.
Aujourd’hui mes craintes sont en lien avec la reconnaissance de ce diplôme sur le terrain et la réelle possibilité de réalisation de la pratique clinique. En effet l’IPA possède de nombreuses compétences transversales enrichissantes pour les nouvelles organisations de soins se structurant sur les territoires. Cependant il ne faut pas perdre de l’esprit que ces compétences transversales découlent de notre expertise clinique de la Personne mais aussi de nos domaines d’interventions en lien avec nos spécialités de 2eme années. (Pathologies chroniques, prévention, poly-pathologies courantes pour ma part) Quelle légitimité si nous ne pouvons pas exercer notre clinique auprès des populations ?... Nous apportons notre expertise auprès des professionnels intervenants sur les parcours mais notre première cible reste la Personne elle-même… Son accompagnement face à la symptomatologie de la maladie et ses différentes étapes, son autonomisation… Cependant, sans l’accès direct à la population, avec orientation par les médecins, l’IPA ne peut pas jouer son rôle au sein de ce paradigme centré patient.
Je ne peux actuellement pas pleinement exercer la pratique avancée…car en soins primaires les organisations de soins encore médico centré, ne permettent pas notre implantation réelle et la mise en place de nos compétences selon les besoins de la population.
Mais j’ai la chance de pouvoir accompagner la conduite du changement de notre système de santé et soutenir mes confrères et consœurs dans le déploiement de notre exercice en France. Je soutien et participe à l’investissement réalisé par ces associations. Il faut que notre profession soit force de propositions et d’innovations. Nous avons tous notre place dans le développement de la prévention et promotion en santé sur les territoires… L’amélioration des parcours de soins, de santé et de vie de la population… Le développement de l’accès et l’élargissement de l’offre de soins.
QU'AI JE RETIRÉ DE MES ÉTUDES ?
FERNANDEZ EMMANUELLE / IPA
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Amendement du 22 Octobre 2021
